LA SUPPRESSION DE « L'AVIS CONFORME » DES ARCHITECTES DES BÂTIMENTS DE FRANCE ?
24/11/2017 |
Discussion obligatoire !
Un article du Canard Enchainé daté du 22 novembre laisse entrevoir une fois encore, au travers de l’élaboration en cours du projet de loi logement, la perspective de la suppression de « l’avis conforme » de l’architecte des bâtiments de France.
Nous pensions que les débats riches, nombreux et parfois enflammés qui s’étaient tenus tant à l’Assemblée Nationale qu’au Sénat en 2009, autour de la loi Grenelle II puis l’année dernière, qui a vu naître du consensus la loi du 7 juillet 2016 relative à la « Liberté de Création, à l’Architecture et au Patrimoine » en juillet 2016, avaient démontré la pertinence du positionnement de l’ABF dans le dispositif de préservation et de valorisation des espaces protégés en France.
Nous pensions que le sort de « l’avis simple » de l’ABF avait été réglé par le législateur qui, au travers des dispositions de la loi du 8 août 2016 pour la « reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages » a acté le caractère insuffisant de cette forme d’avis de l’administration. Ce dernier a d’ailleurs demandé aux services d’engager une campagne de désinscription des sites inscrits les plus dégradés d’une part, et de transformation des autres en des outils plus efficients (sites classés ou sites patrimoniaux remarquables). L’une des tables rondes des récentes Journées Juridiques du Patrimoine était d’ailleurs consacrée à ce sujet.
Il semble donc que le débat doive être rouvert, au nom de la simplification et de la rapidité de délivrance des autorisations d’urbanisme.
Entendons-nous tout d’abord sur trois points :
– Les avis des ABF sont émis en moyenne en 30 jours, soit en temps masqué largement dans le temps d’instruction administratif « normal » des dossiers par les communes.
– Les avis émis par les ABF empêchent statistiquement moins de 0,1% des projets. En réalité, les avis défavorables conduisent à modifier le projet de façon à permettre sa meilleure intégration au sein des sites. Il est ainsi accepté… après discussion.
– Les recours à l’encontre des avis émis par les ABF – qui sont possible à la fois par les demandeurs et par les maires, représentent moins de 0,01% des avis émis. En réalité, les recours auprès de l’ABF existent, et se traduisent par un échange et une modification du projet de façon à permettre sa meilleure intégration au sein des sites. Ils sont ainsi acceptés… après discussion.
Cet « accord », nous avons essayé d’en faire la démonstration, n’est objectivement pas bloquant… in fine. Car nous entendons bien les critiques, et force est de constater que certains projets déchainent les passions autour de l’avis trop – ou pas assez – de l’ABF ou de l’administration de la culture ! À chaque fois nous pourrons en trouver l’origine dans un manque de concertation : soit au préalable du porteur de projet vers l’ABF, soit – il nous faut aussi savoir faire notre autocritique – a posteriori de l’ABF vers le porteur de projet. De ce manque de dialogue naît chaque fois le conflit, le blocage des projets et les crispations infructueuses…
C’était tout l’enjeu de la loi LCAP de poser les bases d’une organisation administrative du patrimoine clarifiée et plus efficiente ; c’est tout le sens de la stratégie pluriannuelle pour le patrimoine annoncée le 17 septembre par la Ministre de la Culture que de mettre en œuvre ces dispositifs, destinés en particulier à tirer un meilleur bénéfice du rôle de conseil que l’ABF remplit si bien lorsqu’il en a effectivement la possibilité et rendre obligatoire la discussion entre porteurs de projets et ABF !
Fabien SENECHAL
Président de l‘ANABF
Consulter le texte d'origine ici.
L'article paru dans Le Canard enchaîné.
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