L’entreprise parisienne « Regard Naïf » défend la préservation d’un témoignage unique d’Art Déco synagogal français, aujourd’hui menacé par une démolition intégrale.
La destruction prévue par l'ULIF ferait place à un nouveau centre communautaire, avec le choix assumé d’une architecture ostentatoire. Pour ses promoteurs, il s’agit d'augmenter la surface plancher, permettre un meilleur accueil (notamment avec un ascenseur), et une terrasse donnant sur le bassin de Passy environnant. Murée sur sa façade sud et sans fenêtre ouverte, elle obligerait à un recours exclusif à l’air conditionné et à l’éclairage artificiel.
Si les motivations fonctionnelles peuvent s'entendre, elles n’obligent en rien de tout démolir. « Regard Naïf » a donc réfléchi à une contre-proposition reprenant l’ensemble des exigences et les surpassant même avec une terrasse donnant sur la Tour Eiffel, et des intérieurs naturellement lumineux et ouverts. Le corps historique serait conservé dans son intégralité, les ajouts remplaçant la surélévation des années 70 et l'atelier mitoyen. La façade prolongerait l'existant avec des clins d’œil multiples à la salle de culte, affirmant le style Art Déco du site.
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Commentaires de l’auteur du contre-projet Copernic suite à une remarque critique:
Concernant la critique du pastiche, voilà le fond de ma pensée :
1) Le but premier a été de démontrer que la partie historique peut être sauvée tout en ajoutant des volumes qui répondent à un besoin. Ce constat est tout aussi valable que ce soit fait avec une façade "pastiche", moderne, ou autre.
2) Le choix d'un pastiche
Cette notion est connotée négativement, car on confond souvent le néo-haussmannien d'un vrai pastiche de qualité. Un pastiche est un exercice artistique (musical, littéraire, architectural...) qui crée fidèlement une œuvre dans l'esprit d'un courant artistique d'une autre époque. La différence en images :
>> Exemple immeuble néo-haussmannien. Ce n'est pas un pastiche (même si beaucoup le disent...), car aucun doute que cet immeuble n'aurait pu être construit au XIXème siècle, où on voit clairement un recours au béton. Ses détracteurs pointent un effet carton-pâte (ce qui n'est pas mon avis, mais l'argument s'entend) :
>> Exemple pastiche 1 : l'éclectisme du XIXème siècle parisien est rempli de pastiches, que l'on glorifie aujourd'hui. Un bel exemple est la mairie du 1er arrondissement (à gauche sur l'image) avec son beffroi, qui est un pastiche dont la vocation est de s'intégrer au mieux avec l'église Saint-Germain-d'Auxerrois attenante (à droite sur l'image) datant du XIIème siècle.
>> Exemple pastiche 2 : la villa d'Ornano (article dessus : https://www.sudouest.fr/2010/06/30/un-immeuble-construit-en-veritable-pierre-de-taille-129191-2780.php?nic)
Ici, l'immeuble a 10 ans mais rentre parfaitement dans l'environnement historique de Bordeaux, grâce notamment à l'utilisation de pierres de taille.
> Mon argument architectural est de faire des façades qui continuent l'histoire de Paris, et d'arrêter cette obligation de ne faire que des styles modernes ou de rupture. Il faut évidemment vivre avec son temps et accepter le moderne si c'est beau, mais on ne peut plus s'interdire d'oser le pastiche par dogmatisme. Un vrai pastiche a le souci de se fondre parfaitement avec l'histoire d'un quartier, et on a plein d'exemples ravissants qui font honneur à Paris. Il vaut largement mieux un bon pastiche qu'un style de rupture raté, comme le propose Valode & Pistre pour le projet Copernic.
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Commentaires :
« Nous venons de découvrir votre vidéo du contre-projet pour Copernic.
Et nous sommes muets d’enthousiasme et d’admiration!
En si peu de temps, tant d’informations et de suggestions! » (FNE-Paris) .
« Le contre-projet Copernic…, son raffinement, son exigence et son souci de la beauté dans ses moindres détails valent bien plus pour moi que cette fausse créativité et ce fonctionnalisme de l'indigence qui gouvernent. La beauté de Paris ne s'est pas faite à coup de pelleteuses en écrasant de mépris son histoire mais dans un dialogue sensible à l'esprit des lieux dont les contraintes obligent à une créativité tout en finesse
Merci encore pour cet incroyable travail et ses solides arguments… » (C.Nedelec).
« Quel extraordinaire travail!!
Nous sommes subjugués - et sommes convaincus que nos correspondants le seront également! - non seulement par les images, mais également par le texte explicatif. » (Des Riverains).
« J'ai bien reçu ce matin ce contre-projet Il me semble nettement moins agressif que l'actuel projet d'un modernisme déjà connu et sans doute daté. Il est également plus en harmonie avec l'esthétique générale des lieux et le respect du patrimoine ! » (M.Sautel).
« J’ai bien vu le contre-projet qui a circulé sur les réseaux sociaux et que nous avons d’ailleurs partagé sur notre froupe France Art-Déco. Il a le mérite de respecter au maximum l’existant tout en proposant une rentabilité des surfaces et le top-roof est très séduisant.
Je suis en effet moins fan de la partie de la façade ajoutée dans un style traditionnel, comme vous dites, "pastiche". Je pense qu'il faut toujours mettre clairement révélé ce qui est ancien et nouveau et que le contraste ne peut que mettre en valeur l’authenticité de la partie ancienne. Mais c'est là un détail de style qui, a mon avis, peut se résoudre sans forcément tout remettre en cause… » (P.Y.P., Paris Art Déco Society).
« Avec ce contre-projet, proposé par ce jeune architecte, j'ai l'impression que votre combat prend une nouvelle dynamique et un nouvel essor. Car vous entrez dans le concret, le positif, résolument tourné vers l'avenir…
Ce projet me paraît remarquable en tous points. Surtout la façade extérieure qui s'inscrit merveilleusement bien dans l'environnement actuel de la rue Copernic, et dans la mémoire de ce que fut, par le passé, ce lieu de culte.
l me semble qu'à ce stade, seul un arbitre impartial et neutre devrait pouvoir trancher - voire résoudre - ce conflit. Parce qu' avec ce contre-projet, vous êtes vraiment à armes égales… », P.Haïat.
« Bravo pour ce contre-projet enthousiasmant. Un autre urbanisme est possible. La recherche de continuité historique n'a rien d'un immobilisme. » (M.Frydman).
« Nous venons de recevoir votre projet et l’avons parcouru brièvement . Nous sommes déjà enthousiastes avant même d’entrer dans les détails. Surtout si la salle de culte peut être conservée !!!!! Ainsi que l’esthétique de la rue… » (des fidèles de la synagogue).
« Le souci de troubler le moins possible l’harmonie des façades de la rue Copernic paraît intéressant et va dans la bonne direction… » (un riverain).
« J'ai bien reçu votre dossier concernant la Synagogue de la rue Copernic. Je m'y suis rendu il y a quelques mois et partage entièrement votre avis. Elle mérite d'être sauvée. J'espère que votre démarche sera couronnée de succès. » (P.Rosenberg).
Contre-projet Copernic
4 avril 2022
François Loyer
La densification du site est inéluctable, dans un quartier privilégié. Non seulement le voisinage des réservoirs laisse un vaste espace libre au revers, mais les petits hôtels de la rue Copernic ont depuis longtemps cédé la place à des immeubles haussmanniens – exception faite de l’hôtel Bechmann auquel appartient aujourd’hui la synagogue. Accepter cette contrainte n’empêche pas de préserver l’édifice - à la fois lieu de mémoire des plus sensibles, dans l’histoire juive de la France, et ensemble patrimonial de grande qualité au plan architectural.
Le projet assez pauvre de démolition/reconstruction étudié par l’agence Valode & Pistre n’est guère satisfaisant, autant par la médiocrité de sa façade que par la destruction envisagée de la synagogue originale - aujourd’hui identifiée comme un témoignage patrimonial incontestable. Son remplacement par une copie n’est pas admissible.
Le contre-projet présenté par l’agence Regard Naïf propose une solution autrement plus satisfaisante en répondant à deux points essentiels : la conservation de la synagogue existante et une insertion urbaine plus réussie
L’état actuel dont la surélévation du siècle dernier était particulièrement affligeante, est corrigé par une réécriture plus conforme à la culture parisienne (même si quelques détails de modénature pourraient encore, à mon sens, être améliorés). La façade de l’ancien hôtel est ainsi préservée (sachant qu’il ne reste plus grand-chose de la distribution intérieure). Mais surtout la « dent creuse » voisine disparaît. Reste fâcheux d’un passé révolu (un ancien accès de service aux réservoirs), elle est brillamment remplacée par une construction nouvelle dont la trame verticale s’harmonise avec le contexte. La référence du couronnement à la Menorah et aux Tables de la Loi qui la surplombent s’inscrit dans la logique d’une monumentalité à laquelle appartiennent les synagogues du monde contemporain. Cet étage marque sa présence dans l’alignement urbain, à la fois en termes de gabarit et au plan symbolique. On ne peut que saluer cette ambition.
Quant à la synagogue de Marcel Lemarié, elle est intégralement préservée – tout en corrigeant des extensions antérieures qui étaient sans intérêt. De ce seul point de vue, c’est une grande qualité – celle qu’on attendait d’un projet satisfaisant. Là aussi, quelques détails pourraient encore être améliorés : le formalisme de l’arbre planté dans un pot circulaire (il accompagne le décrochement de la terrasse postérieure, située au même niveau que le sommet des réservoirs) ne se justifie absolument pas - à l’inverse de l’accès au triplet des grandes baies que prolongent des emmarchements. On pourrait travailler plus finement la relation avec la coupole de la synagogue, mais ce ne sont là que des détails.
A l’inverse du projet officiel, le contre-projet de Regard Naïf valorise des éléments qui dialoguent positivement avec l’héritage patrimonial de la synagogue. C’est tout ce que l’on attendait !
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